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Point de vue sur la rencontre professionnelle et commentaires par Georges Gagneré

Comment l’artiste, dans son approche singulière, peut transformer un outil de travail collectif ?
Comme le notait Gualtiero Dazzi, il est difficile de se faire entendre de l’institution quand on propose la mise en place d’un dispositif, centré autour d’un travail artistique spécifique, en vue de créer un espace d’expérimentation et de production susceptible d’intéresser un secteur d’activité artistique plus large.
La question centrale est de réussir à rendre visible et formuler des besoins précis en vue de définir, pour une communauté de travail, des programmes de développement souvent lourds et coûteux parce que devant s’adapter de manière réactive aux conditions spécifiques du spectacle vivant.
Dans ce cadre, la définition des besoins implique une culture d’échange en réseau, qui se met progressivement en place. Un des objectifs de la rencontre professionnelle était justement de faire émerger les réseaux existants, ou plus modestement de faire entendre un désir de mise en réseau.
Les questions soulevées concernent alors l’objet de la mise en réseau et ses moyens. On constate tout d’abord la difficulté à définir ou même à faire reconnaître la notion d’art numérique. Existe-t-il une spécificité de cet art numérique qui exigerait une nouvelle posture de travail, ou bien faut-il simplement attendre que le théâtre digère cette nouveauté ?
Cet objet n’est-il pas susceptible d’infléchir les profils professionnels techniques et artistiques en cours ?
Concernant la notion de mise en réseau : comment construire un terrain d’échange, en dehors du terrain de la rencontre physique, pour favoriser l’écoute réciproque des besoins, la transmission des savoir-faire déjà constitués, au-delà de la problématique sclérosante des cloisonnements artistiques propres au spectacle vivant (chaque compagnie travaillant son objet dans un espace plus ou moins large…).

Quelques éléments sur la situation de la Cie Incidents Mémorables en Alsace.

La Cie a entamé un travail dans les Studios à la suite de l’expérience d’E-Toile (Yannick Bressan et Cécile Huet). Nous avons d’abord réalisé de courts workshops qui se proposaient de permettre à des artistes de croiser leurs pratiques en vue de fabriquer de courtes performances et de sensibiliser le grand public (Escale#1 et 2)
Puis nous avons orienté ces workshops autour des nécessités de développement et de recherche spécifiques à la compagnie (Escale#3 à 7) en construisant parallèlement l'espace de ressources partagées Didascalie.net, destiné à ouvrir vers l'extérieur le résultat de nos recherches. E#5 était la maquette du spectacle La Pluralité des Mondes, Escale#6 était consacré au lancement du tikiwiki actuel structurant Didascalie.net, et E#7 est la maquette du futur travail autour de Calvino et Perec.
Et nous avons dernièrement, avec Ecritures_Escale#8, réouvert à d’autres artistes, en l’occurrence des auteurs, le plateau-laboratoire de travail des Studios.
A partir d’Escale#3, la Filature a investit du matériel (ordinateurs, parc lumière, son, vidéoprojecteurs) dans les Studios, ce qui a notablement amélioré nos conditions de travail. Cet aménagement des Studios a en partie été réalisé en concertation avec la Cie.

Parallèlement à notre résidence à la Filature, nous encadrons de la formation continue au TNS. Cette formation nous a permis de rencontrer deux compagnies de Strasbourg, Articulations Théâtre (Jean-Jacques Mercier) et Calamity Jane (Sonia Oster), avec qui nous avons ultérieurement collaboré, en accompagnant leurs explorations du numérique temps réel dans leurs dernières productions (en l’occurrence Un physicien disparaît et Flash). Nous avons aussi initié des artistes vidéastes de Mulhouse à ces pratiques (Matthieu Tercieux) et probablement accéléré l’entrée dans le champ du numérique temps réel d'artistes comme le chorégraphe Andréas Schmid.
Un embryon de réseau de compétence commence à se tisser à partir de la transmission de savoir-faire techniques et artistiques en région, notamment sous l'impulsion du Collectif Insight d'Arnaud Weber qui accompagne des artistes et des compagnies qui sont intéressés par l’utilisation du numérique temps réel dans leur spectacle.

Tout ce que nous produisons aujourd’hui, pour la Cie, dans nos collaborations ou dans le cadre de la transmission (formation/sensibilisation), est le fruit d’une construction progressive d’un outil qui concernent une équipe de techniciens et d’artistes, et que nous avons réalisé à travers les espaces d’expérimentation et de production qui nous ont été octroyés. Bien évidemment, les financements obtenus ne couvrent réellement qu’une partie du travail réalisé (cette saison nous avons reçu l'aide de la Filature, de la Drac Alsace, du DICREAM et de la Spedidam sur La Pluralité des Mondes).
Aujourd’hui, nous pouvons dresser un bilan à la fois du travail réalisé et des besoins pour continuer à avancer. La tâche est immense, et les financements possibles sont très réduit, principalement parce que le théâtre ne constitue pas une industrie. Il nous semble cependant que nous pouvons continuer à progresser si nous nous organisons.

La Filature accueille Georges Gagneré en tant qu’artiste associé, et pas la Cie Incidents Mémorables en tant qu’espace de production. De notre point de vue, à la Filature, nous n’avons pas les moyens de création adéquat au numérique temps réel, comme nous ne les avions pas au TNS lorsque nous avons créé La Pensée, et nous efforçons de constituer ces moyens à partir de l’existant, parce que nous sommes passionnés par la voie que nous explorons. Notre situation en tant que compagnie nous semble être celle du théâtre face aux outils émergents : nous sommes face à l’inconnu et nous devons défricher puis construire, parce que nous voulons avancer vers les espaces qui s’ouvrent à nous.
Et nous avons constaté que ces besoins sont partagés en Alsace.